Friday, October 5, 2012

La Mort par l'Instant




L’aventure est dans l’autre. Pas l’Autre avec un grand A, celui de la différence, qui est souvent celui de l’indifférence, mais dans l’autre, c’est à dire tous les autres, cet autre qui n’est d’autre que la condition humaine.

L’autre c’est donc avant tout le soi. Pas le Soi avec un grand S, le Soi égoïste et narcissique qui cherche dans l’Autre le reflet de son visage qu’il ou elle croit pouvoir saisir, en vain. Non. Le soi, en soi, pour soi, n’existe absolument que dans l’autre, tous les autres, c’est à dire qu’il n’existe pas.

Le soi est l’autre, l’autre est l’instant. Le soi n’a d’autre projet que d’être dans l’instant. Le soi en se projetant dans l’autre y vit et y meurt. 

Si nous nous y tenons, la peur de soi et de l’autre, et toutes ces guerres, ces méchancetes, ces jalousies et opportunismes égocentriques disparaissent alors. L’instant, qui n’a ni passé ni futur, c’est ça la vraie révolution.

Nous savons néanmoins que le soi est faillible, comme il est admit qu’il est perfectible. Cette vérité première de la condition humaine comme perpétuel renouveau demeurera juste, tant que l’instant nous échappe. Comme je voudrais saisir l’instant, m’envelopper en lui pour me noyer dans l’insouciance.

Si nous nous en écartons et qu’il nous échappe, c’est parce que l’instant, si l’on parvient par quelque miracle à nous en saisir… parce que l’instant qui nous échappe et nous fait peur, cet instant qui ne répond au final ni de l'autre, ni de soi, c’est la mort (ré)incarnée. Ne dit-on pas, après une longue et insignifiante conversation avec l’autre, que l’on s’oublierait presque. Et s’oublier c’est ne plus exister, et c’est déjà mourir.

L’homme (et la femme) ont conscience de leur soi interne. Aurait-on jamais conscience de l’autre, de tous ces autres, cette multitude externe, qu’on s’oublierait alors à jamais, et la mort est si douce…Pourtant le soi se hâte à la besogne, à devenir quelqu'un, même si au fond il ou elle sait que tout cela n’a aucun sens. Le sens, il ou elle le sent quelquefois sans pouvoir s’en rattacher complètement, lorsqu’à la nuit tombée, en compagnie d’un autre soi, tout aussi autre que son soi à lui ou à elle; lorsque s’exhument de leurs bouches des mots qui n’en finissent plus de masquer le néant; oui, à cet instant précis, il ou elle le sent, que le sens, c’est avant tout le sens commun.

Par conséquent, vivre par procuration, ce n’est pas être égoiste. En reconnaitre la nécessité même, au contraire, c’est faire preuve de bon sens. Le sens commun nous dicte de ne pas nous croire autre que ce que nous sommes déjà; de simples poussières d’espace-temps, qui au chemin d’une rencontre se rient de ne pas exister - si ce n'est à travers l'autre. 

Et Descartes de se soulever alors de sa tombe pour nous déclarer dans la face, ‘je pense donc je ne suis [pas]’, car si je ne pensais pas, j’existerais dans l’instant. Seul l’instant est immortel et vérité générale, celui qui nous échappe, nous fait si peur et que nous désirons avec tant de force. Alors, ne pensons pas, car la pensée nous écarte de l’instant, du réel. Cessons tous nos petits projets, oublions nous dans l’autre, quitte à s’oublier, surtout à s’oublier, et quitte à en mourir… pour renaitre Tout-Autre.

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